Le Soldat Patrick Downey – Une Histoire Perdue et Retrouvée

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Naissance : le 24 juin 1889 à Brigus, à Terre-Neuve

Enrôlement : le 16 mars 1916 à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse

Décès : le 29 septembre 1918 à Cambrai, en France, à l’âge de 29 ans

Force : Infanterie canadienne (Régiment du Québec)

Unité : 42e Bataillon

Cathy Beaudoin (née Thornton) a dressé ce portrait pour sa fratrie qui n’a jamais rencontré ses grands-parents maternels et pour qu’on se souvienne de Margaret McCutcheon, née Thornton (1941-1990) et d’Al Thornton (1943-2018).


C’est à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, que ma mère a vu le jour en 1917. Son père, le soldat Patrick Downey, était à l’étranger. Il n’allait jamais revoir son foyer.

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Voici mes grands-parents Elma et Patrick Downey avec ma tante Marguerite. J’étais déjà adulte quand j’ai découvert cette seule photo que ma mère avait de ses parents. La guerre où Patrick est mort a laissé son épouse sans moyens et incapable de prendre soin de ses filles. La solution consistant à les confier temporairement à la garde de quelqu’un d’autre a causé dans sa famille une fracture définitive si profonde que ma mère et ma tante en ont rarement parlé et n’ont jamais connu leur famille élargie. J’ai commencé à explorer l’arbre généalogique de ma mère après son décès. Voici ce que je sais sur mon grand-père Patrick.

Son formulaire d’engagement indique que Patrick est venu au monde à la fin du 19e siècle à Brigus, à Terre-Neuve, alors une colonie britannique autonome qui allait obtenir le statut de territoire avant qu’il s’enrôle le 16 mars 1916. Il était déjà marié, travaillait dans une mine de charbon et vivait dans la ville néoécossaise de Stellarton. Patrick appartenait au régiment d’infanterie 193e bataillon (Nova Scotia Highlanders). Son matricule était le 901442. On lit aussi dans ce document que mon grand-père mesurait 1,68 mètre, pesait 66 kilos et avait une peau claire, des yeux bleus et des cheveux bruns.

Downey Attestation Paper.png

Cette carte a été envoyée à la tante de ma mère en juin 1916. Elle avait été postée au camp Aldershot, où quatre bataillons du Nova Scotia Highlander et du Régiment royal de l’Artillerie canadienne ont été préparés à la guerre de tranchées à une période où notre armée perdait un nombre inimaginable d’hommes.

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Les membres du Highlander portaient un béret écossais orné d’une plume. Lady Borden, épouse du premier ministre du Canada, attribuait une couleur à chaque bataillon, et le bleu royal du 193e était représenté par la plume bleue qui surmontait le béret.

Sir Robert Borden, premier ministre du Canada, a rendu visite aux troupes au camp Aldershot le 9 août. Le 26 septembre, l’ordre a été donné de se préparer à partir et toutes les permissions ont été annulées. Ainsi, bien des adieux n’ont pas pu être faits.

Le registre matricule du 193e montre que, le 12 octobre 1916 à Halifax, le bataillon est monté à bord du HMT Olympic, paquebot-jumeau du Titanic de la société White Star converti en navire de guerre.

D’après certaines statistiques, près de 6 000 hommes, un record pour cette guerre, ont effectué ce périple. Une fois débarqués à Liverpool le 18 octobre, tous sont immédiatement allés au camp Witley, dans le Surrey.

Puis 800 militaires ont été mobilisés pour le front, le Nova Scotia Highland était dissout et ses membres étaient dirigés vers d’autres bataillons. Patrick est parti avec le 42e bataillon, un peu avant la fin de la bataille de la Somme qui avait été une hécatombe sans précédent. Pendant qu’il risquait bravement sa vie, son salaire de 1 $ par jour et une allocation mensuelle de 25 $ étaient destinés à son épouse et ses enfants.

Le dossier militaire de Patrick raconte certains épisodes de son expérience à la guerre, dont celui où on lui a tiré en plein visage. Je sais qu’on l’a envoyé à l’hôpital général no 35 à Calais. Je sais aussi qu’il a ensuite été évacué au 2nd West General Hospital à Manchester, en Angleterre, et qu’il a récupéré à l’Hôpital canadien pour convalescents dans Woodcote Park à Epsom.

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En lisant les journaux de guerre du 42e bataillon, j’ai appris que Patrick a accompli son devoir en tant que membre de la 3e Division canadienne (CEC) au sein de la 7e Brigade canadienne. Il s’est battu aux côtés des hommes du Régiment royal canadien, du Princess Patricia Canadian Light Infantry, du 49e Bataillon, de l’Infanterie canadienne (Edmonton), de la 7th Canadian Machine Gun Company et de la 7th Canadian Trench Mortar Battery. Patrick a combattu sur la côte 154, sur la crête de Vimy et à Passchendaele. Il a dû d’abord s’entraîner loin du conflit, avant d’aller dans la boue, les barbelés et la terreur des lignes de front où, parfois, on ne parvenait à avancer que de quelques mètres.

Des extraits des journaux de guerre du 29 septembre 1918 décrivent les dernières heures de Patrick. La bataille du Canal-du-Nord faisait rage et les affrontements allaient durer encore quelques mois. Les hommes tombèrent sur un champ de barbelés qui avait échappé aux éclaireurs. Rendus ainsi complètement vulnérables, ils ont payé le prix fort. C’est là qu’est mort Patrick.

Patrick repose au cimetière Drummond à Raillencourt, en France. Je ne me recueillerai probablement jamais sur sa tombe, mais j’ai réussi à obtenir une photo de sa sépulture et une copie de la page du Livre du Souvenir exposé à Ottawa où paraît son nom.

Je suis aussi reconnaissante qu’on m’est remis sa Médaille de la Victoire qui arbore son matricule ainsi que son nom et celui de son bataillon. Elle me rappelle mon grand-père qui, malheureusement, ne l’aura ni vue ni touchée.

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J’ai pensé à lui et à la Grande Guerre à diverses occasions, le plus souvent avec un sentiment de perte. Sur le plan personnel, la perte est bien sûr entière et finale. Mais elle a aussi de lourdes répercussions. Ma grand-mère a perdu non seulement son époux, mais ses filles. Ma mère a perdu ses parents et sa famille élargie. Elles n’avaient même pas une anecdote à chérir. Ma mère n’a jamais entendu sa voix. Mes frères et moi n’avons connu que le silence.

Lors du dernier jour du Souvenir, j’ai réfléchi au concept de service qui est au centre de l’histoire de mon grand-père. Patrick s’est enrôlé pour servir son roi et sa patrie. Il est mort en servant le Canada. Je me suis demandé si le service était une notion obsolète. La plupart du temps, une famille peut compter un militaire ayant servi dans l’armée une ou deux générations auparavant, et le sens du devoir ou du service patriotique n’a plus la même importance. J’ai l’impression que la société en général pense moins à rendre service et plus à se faire servir. On s’attend à être servi, comme si c’était un droit primordial. Il semble qu’on respecte de moins en moins ceux qui, chaque jour, nous rendent de petits et grands services. Ne devrions-nous pas nous réjouir de leur existence et leur être reconnaissants ? Ne devrions-nous pas servir ceux qui nous sont chers ou aider d’une manière ou d’une autre ceux qui en ont besoin ? Je crois aussi que non seulement cette tendance sociétale est inquiétante, mais aussi qu’elle laisse supposer que le service rendu par mon grand-père pourrait peser moins dans la balance parce qu’il n’est plus apprécié à sa juste valeur. J’espère me tromper.

Merci d’avoir servi notre pays, grand-père. Je me souviendrai toujours de vous.

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