Cindy McElrea plante des arbres en hommage à son fils et aux frères d’armes qui l’ont côtoyé en Afghanistan.

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Le déploiement en Afghanistan a durement touché le Canada. Au total, 158 de ses militaires, hommes et femmes, y ont perdu la vie. Une fois rapatriées à la base des Forces canadiennes Trenton, leurs dépouilles ont été transportées au Bureau du coroner en chef à Toronto. C’est au cours de ces longues années que des centaines de personnes ont commencé à se réunir sur les passerelles de l’autoroute 401 pour réfléchir au sens du suprême sacrifice tout en agitant des drapeaux pour rendre hommage aux héros que des corbillards emmenaient vers leur dernier repos.

Cindy McElrea a ressenti une grande anxiété pendant cette période. Son fils, le caporal-chef Sean Markwell, a rempli plusieurs missions là-bas au sein du corps blindé King’s Own Calgary Regiment (CBRC) et du régiment blindé Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians).

Cindy, la propriétaire d’une ferme d’élevage de chevaux de 30 acres sise au nord de l’autoroute 401, à proximité de Colborne en Ontario, se rappelle : « Je vivais tout près de la 401, et on pouvait facilement apercevoir ces cortèges qui faisaient la manchette. Au début, je me sentais incapable d’aller sur les passerelles. J’étais de tout cœur avec les gens qui s’y tenaient, mais j’étais trop bouleversée. Je me rendais plutôt à cheval en bordure de l’autoroute pour voir ces voitures.

« Puis un jour, j’ai discuté avec feu Michael Hornburg, père du caporal Nathan Hornburg, jeune homme mort en Afghanistan en septembre 2008. Nathan venait de Nanton, en Alberta, et était un ami proche et un frère d’armes de mon fils. Il adorait les chevaux. Son père m’avait remarquée sur ma monture, et ma présence l’avait beaucoup touché lorsqu’il est passé sur l’autoroute lors du retour de son garçon. Que Dieu les réunisse pour l’éternité. »

Cindy raconte aussi : « J’ai aussi suivi le cortège en voiture tout le long du parcours pour me préparer à l’éventualité où mon tour viendrait. C’était extrêmement douloureux, mais c’est là où j’ai découvert l’énorme importance que les Canadiens accordaient au rapatriement de leurs soldats. Les passerelles étaient bondées de monde et de drapeaux. »

Ayant dû vivre longtemps sans savoir ce que devenait son fils déployé, Cindy a ressenti diverses émotions. « Il y a des moments où je ne pouvais ni lire les journaux ni écouter le bulletin d’informations. Mais le plus souvent, je lisais tout ce qui me tombait sous la main… journaux, romans, absolument tout », a expliqué Cindy. « En tant que mère de militaire, je reconnais que je me suis fait beaucoup de souci, mais je me consolais aussi jusqu’à un certain point en sachant que Sean avait choisi de servir. C’était sa vocation. »

Et Cindy dit des jours où elle recevait finalement des nouvelles de son garçon : « … en général, ce n’était rien de joyeux. Une commotion cérébrale, une blessure grave à une jambe… Je mettais toute mon énergie à préparer des colis-réconfort. Et comme l’exigeait le protocole, je les adressais au nom de Sean et, aussi, au nom de “tout autre soldat”. La réalité était dure, mais je me disais que cet envoi allait faire plaisir à quelqu’un, quoi qu’il arrive ».

Le caporal-chef Sean Markwell a fait partie de la force opérationnelle 1-08 en tant que membre d’équipage d’un Lepoard C2 et d’un Leopard 1C2 à Kandahar, au sein de l’escadron B du Lord Strathcona’s Horse. Il a été blessé en juin 2008, lors d’un tir de mortiers, puis en septembre de la même année, lors de l’attaque à l’engin explosif improvisé (EEI) qui a coûté la vie à son grand ami le caporal Nathan Hornburg.

En 2009, l’Armée canadienne a remplacé le galon de blessé, qui était décerné depuis le 7 octobre 2010 aux militaires tués ou blessés dans l’exercice de leurs fonctions, par la médaille du Sacrifice. Puis en 2001, on a attribué cette dernière au caporal-chef Sean Markwell ainsi qu’au caporal Mark Fuchko et au caporal Nathan Hornburg. Linda Loree a accepté ce symbole de reconnaissance au nom de son fils, le caporal Nathan Hornburg, pour qui un mémorial a été mis en place au Musée militaire de Calgary, en Alberta, en 2017.

L’intervention du Canada dans ce conflit a duré plusieurs années, ce qui a engendré une part de problèmes et d’incertitudes pour nombre de Canadiens. Après avoir d’abord eu de la difficulté à s’ouvrir et à exprimer ses inquiétudes, Cindy a réussi à en parler pour faire connaître ce que faisait le Canada. « J’aimerais dire que les gens étaient généralement compréhensifs. Certains l’étaient. J’ai découvert que beaucoup craignaient d’en discuter en croyant que j’allais m’effondrer, ou c’est l’impression que j’ai eue. J’étais très fière de mon garçon et de nos militaires. Je suis certaine que, parfois, des gens ont pu souhaiter que je me taise. Pour moi, toutes les occasions étaient bonnes pour articuler ma pensée, pour partager ce que je savais et pour apprendre, aussi. Parler me réconfortait, et je ne laissais couler mes larmes qu’en privé. »

Cindy aime les animaux, et ce sont les siens qui lui ont témoigné le plus grand soutien. « Je dois aussi reconnaître que mes chères bestioles, mes chevaux, mes chiens et mes chats m’ont apporté plus d’appui que les humains. Ils étaient mes compagnons de tous les instants, m’aimaient sans compter. Et je priais très souvent. »

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Sa ferme étant consacrée aux chevaux et à leur entraînement, Cindy n’avait jamais pensé à planter des arbres. « J’ai acheté cette propriété en 1997 en rêvant d’y accueillir des chevaux. Au fil des ans, j’ai adopté et dressé des chevaux pour l’Ontario Standardbred Adoption Society, organisé des camps de jour pour les enfants, animé des ateliers, hébergé et entraîné des chevaux, donné des cours d’équitation et élevé des poulains avec l’aide de mon partenaire Buck Phaneuf. Nous avons aujourd’hui des quarterhorses que nous présentons aux compétitions de dressage western en Ontario qui sont agréées par l’Ontario Reining Horse Association. »

À la fin d’avril 2021, Northumberland Tree Planters a passé trois jours à la ferme à planter 7 750 plants à racines nues de pins, d’épinettes et de chênes. Avec le temps, ces végétaux composeront, directement en bordure de l’Autoroute des héros, une forêt créée en l’honneur de nos militaires canadiens.

« Ces arbres ont été mis en terre d’abord et avant tout pour rendre un hommage. Mais ils serviront aussi de sanctuaire pour des oiseaux et d’autres animaux sauvages, de poumons verts et de pare-son.

Je souhaiterais qu’on se souvienne de plusieurs personnes. Mon grand-père maternel, John Alfred Lundeborg, qui a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Frederick George McNally, le grand-père maternel de ma sœur de cœur, qui a combattu lors du même conflit. Mon fils le caporal-chef Sean Ryan Markwell et son compagnon d’armes, le caporal Nathan Hornburg. Mon beau-fils, le matelot de première classe Joseph Kendall, actuellement à bord du HMS Regina qui est parti du port de Victoria, en Colombie-Britannique. Mes frères, David Robert McElrea et Jeffery Duncan McElrea, tous deux membres des Sherbrooke Hussars, un régiment de réservistes. Peter Alton McElrea, qui a été déployé pour une mission de maintien de la paix à Chypre avec les Sherbrooke Hussars. Mon beau-frère, le caporal-chef Sean Scally. Et, finalement, le fils d’une personne qui m’est très chère, feu le caporal Lee Jeffrey Ferrant.

 Oui, j’aime les arbres et j’aime ce qu’ils représentent. Et j’encourage tous ceux qui le peuvent à visiter le monument commémoratif de rapatriement de l’Afghanistan à Trenton, en Ontario. C’est une expérience qui a un côté très symbolique et qui est vraiment mémorable. »

 La plantation de Cindy a été rendue possible grâce à un partenariat avec la campagne Des arbres pour l’Autoroute des héros et Forests Ontario. Pour en savoir plus sur l’admissibilité au financement d’une plantation d’arbres, cliquez sur (https://www.hohtribute.ca/fr/plp).

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